Mes nombreuses démonstrations depuis 11 ans m’ont amené à constater que nous écoutons tous à des niveaux sonores différents. Dans les extrêmes, je citerai une écoute des quatre saisons de Vivaldi avec un niveau tellement fort que j’ai prétexté une fin d’otite pour interrompre le supplice. La personne qui me recevait avait pourtant un bon système, était jeune, pas plus de 40 ans, et n’avait à ses dires, aucun problème auditif. Il m’a confié avoir été DJ dans sa jeunesse. Là, je compris.

Une autre fois, dans mon auditorium, un monsieur d’environ 75 ans « n’ayant pas été DJ dans sa jeunesse », me propose de passer un extrait d’orgue enregistré dans une église qu’il connaissait bien. Au fur et à mesure de l’écoute, il me demande de diminuer le niveau sonore jusqu’à ce que je n’entende presque plus l’orgue. A la fin, il s’exclame : » c’est prodigieux, très rares sont les systèmes qui à un niveau aussi bas, permettent d’entendre les gens chuchoter dans l’église en même temps que l’orgue.

Le panel des niveaux sonores des audiophiles est donc très large.

En quoi le niveau sonore change notre perception de la musique ? Plusieurs raisons à cela. Citons, en tout premier lieu, la courbe de réponse en fréquence de notre oreille. Je ne parle pas de son vieillissement mais de sa physiologie. Notre sensibilité maximum se situe aux alentours de 4khz. Pour les fréquences plus basses ou plus hautes notre capacité à les entendre diminue et dépend du niveau sonore. Pour palier ce phénomène et éviter les plaintes répétitives à la police des voisins d’audiophiles vivant en appartement, on a inventé un filtre dit « Loudness ». Ce filtre relève le niveau sonore des fréquences au-dessus et en dessous de 4 khz. Cela permet d’avoir une sensation de niveau équivalent quel que soit la fréquence et à faible niveau d’écoute. C’était une bonne idée. Mais l’arrivée des appareils à 5 zéros après la virgule pour qualifier la distorsion a très vite déclaré ce filtre « hérétique », ainsi que tout correcteur de tonalité d’ailleurs. L’ère de la toute-puissance de la mesure a oublié que ces appareils haute-fidélités sont destinés à l’écoute de musique par des Hommes.

N’ayant plus de correcteurs sur nos amplis hi-fi, il faut donc mettre plus fort mais dans quelle proportion ? Avant de répondre à cette interrogation, penchons-nous un peu plus précisément sur la réponse de notre oreille. Commençons par faire une remarque à notre créateur évolutionniste ou non, car nous entendons avec moins de sensibilité les fréquences graves par rapport aux autres fréquences. Cet écart diminue un tout petit peu quand on augmente le niveau. Cela signifie que même en augmentant le niveau sonore, nous n’obtiendrons jamais une sensation équivalente sur toute la bande passante. Mais alors, il n’y a pas de solution ?

Ne prenons-nous pas le problème à l’envers ? Pourquoi vouloir entendre au même niveau le registre grave que le reste de la bande passante, ce qui nous oblige à écouter relativement fort. La réponse est dans mon article précédent, voir la rubrique « idée du jour » trop de grave, c’est grave ?

Repartons sur de bonnes bases, notre oreille est comme elle est, les instruments acoustiques et la musique que nous avons créés en découlent. Penchons-nous plutôt sur d’autres critères comme, quel lien entre son et musique ? Je dirais sans attirer les foudres des étymologistes, que la musique est une organisation règlementée de sons. Celle-ci répondant à des règles ou écritures musicales liées à l’histoire et à l’évolution de la musique de l’antiquité à nos jours.

Je pense que les compositeurs utilisent la musique comme langage pour communiquer. Faisons une analogie avec un conteur racontant une histoire. Nous serons captivés si le thème nous intéresse, nous transporte, nous interpelle et si le compteur utilise une intonation rendant le texte vivant. Il n’a pas besoin de parler très fort. Il suffit juste de pouvoir identifier les mots qu’il dit.

L’écoute de la musique est du même ressort. Il faut juste entendre ce que la musique nous dit. Pour cela la dynamique, écart entre le niveau le plus élevé et le plus bas, est bien plus importante qu’un niveau sonore élevé. Notre oreille n’est pas linéaire en fréquence, nous l’avons vu précédemment,  mais aussi en amplitude. La courbe de sensibilité ressemble à une fonction logarithmique. Ce qui signifie que nous percevons avec beaucoup plus d’acuité des différences de niveaux quand la puissance moyenne est faible. Plus on écoute fort, plus on a une compression de dynamique. Nous ne pouvons plus entendre les petits changements de niveaux, mais seulement les grands. Cela donne une écoute beaucoup moins riche et plate.

Conclusion, notre oreille n’est pas linéaire, ni en fréquence, ni en amplitude. Par contre, notre sensibilité à entendre les nuances est proprement extraordinaire moyennant un niveau d’écoute raisonnable. Je dis bien raisonnable pas en sourdine.

Recherchons donc l’amélioration de la dynamique de nos systèmes plus que la puissance. Je ne me fais pas l’avocat du diable en disant que les câbles y participent pour une grande part…